Faire un bébé toute seule en France en 2021, témoignage…

La PMA ou Assistance médicale à la procréation (AMP) «consiste à manipuler un ovule et/ou un spermatozoïde pour procéder à une fécondation », selon l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale. 

Actuellement en France, seuls les couples hétérosexuels considérés comme infertiles ou qui sont porteurs d’une maladie génétique grave, susceptible d’être transmise à l’enfant ou au conjoint, peuvent en bénéficier

On comptabilise aujourd’hui environ 20 000 naissances issues d’une PMA par an en France. 

 

En attendant que le Sénat et l’Assemblée Nationale arrivent à se mettre d’accord sur l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de femmes, ces dernières bravent l’interdit et traversent les frontières pour se lancer non seulement dans un parcours de PMA, mais surtout dans un véritable combat. 

C’est le cas de Charlotte, trentenaire et aide soignante en salle de naissance dans une maternité parisienne. Après de nombreux échecs amoureux et plusieurs mois de réflexion, cette jeune femme qui a toujours voulu être maman s’est alors lancé dans un projet de PMA en solo. Dans cette interview elle va nous raconter pourquoi, son parcours & les différentes démarches.

Merci infiniment Charlotte pour ton partage 

Combien de temps as-tu mis à te décider avant de te lancer dans ce parcours?

J’en ai toujours plus ou moins parlé durant ces dernières années, mais j’ai abordé le sujet avec ma gynéco en mars.

J’ai commencé les premiers examens en mai et j’ai débuté ce parcours sur mon cycle d’aout pour une première insémination en septembre.

Tout a été très vite à partir du moment où je me suis vraiment décidée à me lancer.

Qu'est-ce qui t'a décidé ?

L’échec amoureux de trop. Juste avant mon 34ème anniversaire.

Je me suis toujours dis que si j’étais toujours célibataire à l’approche des mes 35 ans je me lancerai dans ce parcours de PMA solo.

J’ai conscience que je suis encore jeune, que j’ai le temps de rencontrer quelqu’un mais je sais que j’ai toujours voulu être maman « jeune ».

Je ne voulais pas attendre encore que les années passent, voir mes chances de tomber enceinte diminue avec le temps, avec l’âge.

On te rappelle assez cette fameuse horloge biologique…

Après avoir fait quelques recherches sur le net, sur les conseils d’une amie me ventant un hôpital belge à Gent, je me suis lancée un soir peu de temps après mon anniversaire en leur envoyant un simple mail afin d’avoir un peu plus de renseignements sur la PMA, sur les différentes techniques, les tarifs.

Le lendemain matin je recevais un mail me demandant de contacter le centre de fertilité.

Ce fut le point de départ de cette folle aventure.

Peux-tu nous expliquer les différentes démarches ?

Dans un premier temps, je dirais prendre le temps de chercher et trouver l’endroit où l’on souhaite faire sa PMA.

Prendre le temps de contacter plusieurs cliniques, hôpitaux et voir ce qui nous correspond le mieux, prendre le temps également d’étudier les tarifs, parce que clairement la PMA à l’étranger c’est un coût surtout dans certains pays.

Une fois l’établissement trouvé et validé, je dirais qu’il faut par la suite trouver un gynéco qui accepte de te suivre dans ce parcours.

Il faut absolument un médecin qui accepte de te délivrer les ordonnances des différents examens et en cas de stimulation les ordonnances pour les traitements.

Une fois le médecin trouvé, il y’ a plusieurs examens de fertilité à réaliser.

Pour ce qui est des prises de sang, des sérologies, une prise de sang qui va permettre de définir le taux de ta réserve ovarienne : l’AMH.

Pour ce qui est des examens, il y’a un frottis, une hystérosalpingographie qui est un examen plus ou moins douloureux en fonction des femmes.

Cet examen a pour but de définir si les trompes sont perméables ce qui est indispensable dans le cadre d’une insémination.

Il y a aussi l’hystéroscopie, qui n’est pas fait de façon systématique, cet examen va permettre de visualiser l’intérieur de l’utérus pour vérifier l’absence de nodules, polypes pouvant déranger durant la fécondation, nidation.

Une fois ces examens réalisés en France, prendre contact avec l’établissement choisi pour prendre rendez vous.

Pour ma part, ce fut un centre de fertilité dans un hôpital belge.

Il faut savoir qu’en Belgique, en étant une femme célibataire en plus de rencontrer une gynécologue lors du premier rendez vous il y’a également un entretien avec une psychologue ainsi que des test psy à réaliser et qui sont payants.

C’est quelque chose qui freine beaucoup de femmes et qui du coup se dirigent dans d’autres pays mais ce n’est sincèrement pas un entretien où l’on se sent jugé.

Lors de ce premier rendez vous en Belgique avec la gynéco, elle prend part des examens réalisés en France, explique en quoi consiste une insémination et aborde le sujet du donneur qui est 100% anonyme.

Pour ce qui est des critères physiques, elle se base sur le physique de la femme ou éventuellement de la partenaire si c’est un couple.

Une fois ces rendez vous passés, une commission a lieu pour valider ou non les demandes de dossier.

Lorsque le dossier est validé par la commission, libre à la femme de commencer quand elle le désire.

Pour ma part, ce fut 2 jours après cette nouvelle.

Lors d’un nouveau cycle, on va surveiller (monitorer) le développement et la taille des follicules qui libéreront un ovocyte lors de l’ovulation qui sera fécondé ou pas.

Il s’agit de faire une échographie endo vaginale ainsi qu’une prise de sang à J3 J7 J12 et potentiellement J14 du cycle pour surveiller un taux : l’oestradiol.

A chaque fin de rendez vous avec ma gynéco je communique les résultats par mail à la Belgique qui me donne leur directive.

Continuer les examens car les résultats ne leur suffisent pas, ou arrêter et déclencher l’ovulation à l’aide d’une injection à faire dans le ventre à une heure précise fixée par l’hôpital pour une insémination 36 heures après.

Une fois l’insémination faite, il faut attendre 14 jours avant de réaliser une prise de sang déterminant une grossesse ou pas.

En cas de grossesse ou non, il faut communiquer le résultat à la Belgique.

Si celui ci est négatif il est possible de recommencer le processus sur le prochain cycle

Où en es-tu aujourd'hui ?

Après les deux premières inséminations de septembre et novembre dernier, j’ai été forcée de faire une pause.

Quand tu es lancée dans ce parcours tu n’as qu’une envie, enchainer à chaque début de cycle pour te donner une chance, un espoir que cette fois ça sera la bonne.

Décembre, après un test négatif, me voilà de nouveau lancée pour une nouvelle tentative, mais mon corps en avait décidé autrement suite à une ovulation précoce.

Janvier, nouvelle année, nouveau mois, nouvelle tentative.

Début d’une légère stimulation sur les conseils du centre en Belgique, stimulation qui a plutôt bien fonctionné, un peu trop.

Lors des examens, on s’est rendue compte avec ma gynéco que j’avais un très gros risque d’une grossesse multiple (gémellaire, triple voire quadruple) ce que je ne voulais pas.

J’ai du prendre la décision d’annuler mon insémination qui été programmée quelques jours plus tard.

Aujourd’hui, je suis prête à retourner en Belgique, de tenter cette troisième insémination.

Je reste malgré tout optimiste, et crois en cette prochaine tentative.

"J’ai ce sentiment de me cacher, de faire les examens en catimini(...) de fuir mon pays, de partir en cachette faire quelque chose de totalement illégal "

Te sens-tu entourée ?

Je suis très entourée, j’ai cette chance incroyable d’avoir un cercle amical en or.

Mes amis sont présents, à l’écoute, là pour me réconforter et me remonter le moral dans les moments les plus douloureux ou douteux.

Pour ce qui est de ma famille, c’est plus délicat, j’ai dès le début informé mon frère ainé dont je suis très proche qui l’a très bien prit et qui m’a rapidement soutenu.

Pour ce qui est de mes parents j’avais fait le choix et souhait de ne rien leur dire par pudeur, pour les protéger et leur éviter les déceptions, les mauvaises nouvelles, ne pas leur infliger du stress du au parcours, au coté financier.

Et aussi par « crainte » de leur réaction.

Je suis certes adulte, mais j’avais peur de leur réaction, que mes parents ne comprennent pas mon choix.

Jusqu’à il y’a quelques semaines, ou je les ai tenu informés de ma décision.

J’ai eu la réaction de parents que j’attendais, que je « craignais » peut-être. Je pense qu’en tant que parents ce n’est pas un parcours de vie que l’on souhaite à ses enfants, même s’ils ne souhaitent évidemment que mon bonheur. Je pense qu’il leur faut un temps d’adaptation, digérer la nouvelle. Le temps fera les choses et je suis certaine qu’ils seront de très bons grands parents.

Concernant le corps médical, j’ai cette chance de travailler dans le domaine de la maternité en salle de naissance. Je suis entourée de sages femmes, d’infirmières, d’aides soignantes qui sont toutes au courant de mon parcours. N’ayant pas de tabou sur ce sujet j’ai préféré ne rien cacher et en parler librement.

C’était aussi plus simple pour justifier mes absences du jour au lendemain auprès de mes cadres lors de mes déplacements en Belgique pour les inséminations.

Et pour ce qui est de celle qui m’accompagne au quotidien, la personne la plus importante dans ce parcours, ma gynécologue qui est  également une de mes collègues c’est un vrai soutien, une chance de l’avoir. Elle est d’une aide précieuse, je lui fais entièrement confiance. C’est pas tout le temps évident parce que j’ai eu des choix compliqués à faire mais elle a toujours été présente pour m’aider, me diriger dans ce qui était le plus juste, le plus raisonnable pour moi.

Te sens-tu hors la loi ?

Oui constamment.

J’ai ce sentiment de me cacher, de faire les examens en catimini ce qui est de toutes façons la réalité.

C’est aussi compliqué pour le médecin qui accepte de te suivre dans ce parcours, parce que c’est illégal en France et que de son coté il prend un risque.

D’ailleurs beaucoup de professionnels refusent de suivre des femmes seules ou en couple.

Ce sentiment d’être dans l’interdit est encore plus présent à chaque fois que je suis dans le train en me rendant en Belgique.

J’ai ce sentiment de fuir mon pays, de partir en cachette de faire quelque chose de totalement illégal.

J’ai l’impression que les gens autour de moi ont conscience de ce que je suis en train de faire.

Je trouve ça triste qu’aujourd’hui on soit obligée de partir en Espagne, Portugal, Belgique ou autre pays pour avoir accès à la maternité.

J’ai espoir qu’un jour les mentalités évoluent, qu’on considère enfin nos familles, que ce soit pour une femme célibataire, un couple de femmes ou un couple d’hommes.

Nous existons, nous n’avons pas honte et nous nous assumons totalement.

On sait qu’un protocole de PMA pour les couples mixtes est remboursé par l’Assurance Maladie, mais qu’en est-il pour toi ?

Effectivement la PMA pour une femme célibataire ou pour un couple de femmes, n’est pas prise en charge.

J’avais anticipé ce détail important depuis plusieurs mois en faisant des heures sup au travail, en épargnant au maximum parce que tout ce paie dans la PMA et c’est un sacré budget.

Pour détailler les frais engendrés pour un parcours en Belgique, j’ai payé les premiers rendez vous avec la gynécologue belge ainsi que la psychologue. Les tests psy sont également payants.

Pour le reste il faut payer la banque de sperme, les paillettes de sperme qui sont à acheter par 3 et vient ensuite le coût du geste, l’insémination.

Pour les examens en France, ayant les ordonnances pour les prises de sang celles ci sont prises en charge par ma sécu et mutuelle.

C’est également le cas pour le traitement que je prends pour la stimulation ainsi que pour l’injection pour déclencher mon ovulation. Parce qu’encore une fois j’ai la chance d’avoir une gynéco qui accepte de me retranscrire les ordonnances belges sur une ordonnance française.

Dans le cas contraire, je pense que les frais engendrés par les traitements seraient à ma charge.

La PMA est clairement un budget conséquent parce qu’en dehors de tout cela, ça marche rarement du premier coup.

"Cet enfant, je le rêve, je le désire et je sais que ce parcours sera à un moment une belle victoire."

As-tu déjà pensé à tout abandonner ?

Non à aucun moment malgré les échecs, malgré la pression, les déceptions lorsque j’ai du annuler par deux fois mes voyages en Belgique lorsque mes derniers cycles ne sont pas déroulés comme je l’espérais et comme je l’attendais.

Je sais que je ne lâcherai pas, jamais, pas tant que cet enfant ne sera pas dans mon ventre. Cet enfant, je le rêve, je le désire et je sais que ce parcours sera à un moment une belle victoire.

Notre belle victoire dont je serais fière.

Quels seraient tes conseils pour une femme célibataire ou un couple de femmes qui souhaitent entamer un parcours de PMA en France à l’heure actuelle?

De foncer.

La PMA est un parcours difficile, physiquement, moralement et parfois financièrement.

Pour débuter je dirais qu’il faut prendre le temps de bien choisir l’hôpital/ clinique où l’on souhaite être suivie. De ne pas se précipiter sur les cliniques populaires espagnoles, de prendre l’avis de différents établissements et faire confiance à son feeling.

Ensuite de trouver un gynéco qui accepte de te suivre dans ce parcours. Je sais qu’il y’a un site qui répertorie les gynécos « gayfriendly » en fonction des villes ça peut être une aide pour trouver ce gynéco bien précieux dans ce parcours.

Pour la suite, même ci ceux ci ne sont pas spécialement réclamés de façon systématique, je dirais de réaliser les différents examens pour s’assurer qu’il n’y a aucun souci.

Une fois tout cela réalisé, il faut apprendre à patienter, à relativiser.

La PMA c’est plein d’imprévus, tout ne se passe pas toujours comme on le souhaite, je peux l’affirmer mais on en ressort plus forte, plus solide.

Cela ne fait que quelques mois que je suis dans ce parcours et je sais que cela m’a changé.

C’est long, plus que je ne l’ai imaginé mais le jour où cet enfant sera là j’aurai conscience de tout ce que j’aurai entrepris pour l’avoir près de moi, pour le chérir autant que je peux.

La PMA est un combat que l’on gagnera pour accomplir nos familles.

Merci beaucoup Charlotte!
Vous pouvez continuer de la suivre sur son compte instagram@mapma_mamansolo