Quelle est la place et le rôle du 2ème parent dans le post-partum ?
“Je dirais que son rôle est justement de “prendre sa place”. Bien sûr cela se fait à tâtons, et cette place sera différente pour chaque famille. Mais je pense que plus le père ou la deuxième maman prendra sa place de parent, au mieux se sentira la mère. La mère n’est pas le parent principal sur qui tout repose et qu’on “aide”. Bien sûr elle a besoin d’aide, mais cela passe par une responsabilisation de l’autre parent selon moi.”
Comment parler de post-partum à son cercle familial ? Comment l’impliquer ?
“En étant informé sur ses besoins on peut exprimer certaines demandes à ses proches en amont de la naissance. Une idée est de leur demander d’apporter des plats que vous pouvez congeler. Vous pouvez aussi ajouter des cadeaux dédiés à votre bien-être post-partum sur la liste de naissance (séance ostéopathe, massage, soin rebozo, crème hydratante, …). Et le moment venu, comme je le disais précédemment, communiquer sur ses besoins, parler de son vécu pour ne pas en faire un tabou.”
A quel moment devrait-on parler de post-partum à une future maman ?
“Bonne question ! Je dirais, dans la préparation à la naissance, qui devrait commencer aux 4 mois de grossesse car en cas de naissance prématurée on n’a pas forcement encore commencé ces cours. Après j’encourage surtout les futures mamans à s’informer d’elles-mêmes en questionnant les mamans autour d’elles et en lisant.”
Peut-on parler de « prévention » comme pour tout enjeu de santé publique ?
“Prévention des risques liés à la période du post-partum oui. Sinon, le post-partum en tant que tel n’est pas un état pathologique, et ce serait même dommage que cette période soit forcément associée à quelque chose dont on a peur. Je reçois des messages de futures mamans qui me demandent comment éviter le post-partum par exemple. C’est une phase qui fait partie du cycle de la grossesse et de la naissance. Au mieux toute la société le reconnaîtra, au mieux nous le vivrons toutes. Donc on peut parler de prévention des risques liés au post-partum oui, ce qui implique de passer des messages à toute la société : signes de la dépression post-partum, les besoins d’une femme qui a accouché, sensibilisation au fait qu’il s’agit d’une personne vulnérable, au même titre qu’une femme enceinte ou une personne âgée. “
Pourquoi, selon toi, le post-partum est-il encore un sujet relativement tabou dans notre société ?
“Ce n’est que ma théorie, mais je pense que c’est la loi du silence ! Les femmes souffrent en silence et acceptent beaucoup plus qu’elles ne devraient. Si les hommes accouchaient je pense vraiment qu’on n’en serait pas là. Mais je ne victimise pas les femmes, il faut absolument que nous cessions de subir car on ne rend service à personne, au contraire on dessert notre propre cause.”
Quelles sont les urgences et les priorités des politiques à court terme pour améliorer les conditions du post-partum des femmes ?
“Un congé paternité de 5 semaines qui couvrirait les 40 premiers jours de la mère et du bébé (le mois d’or). Ce serait le minimum car idéalement, il devrait durer aussi longtemps que celui de la mère qui est en convalescence et non pas en congés. Il faut donc également revoir le nom de ce fameux “congé” !
Tout aussi prioritaire, il est urgent de revoir la préparation à la naissance ! Il faudrait absolument la démarrer dès le début du second trimestre et établir un programme obligatoire minimal à suivre par tous ceux qui la délivrent. Pour le moment, le programme ‘minimal’ est très léger. Cette préparation doit concerner les deux parents et davantage expliquer le mécanisme physiologique qui déclenche la naissance et permet l’accouchement (comme le décrit si bien Lucile Gomez dans ‘Les superpouvoirs de la naissance’) mais aussi préparer à un accouchement par césarienne d’urgence (1 femme sur 5 accouche par césarienne et 60% se font en urgence). Et bien sûr parler de l’après accouchement, que les douleurs ne s’arrêtent pas là, les besoins du nouveau-né, comment répondre à ses besoins sans oublier les siens, …
Voilà, ça ne paraît peut-être pas très politique comme ça, mais pour moi cela fait partie de mes attentes envers le projet du gouvernement sur les 1000 premiers jours de l’enfant.”
Selon toi, les entreprises ont-elles un rôle à jouer dans le post-partum ? Si oui, à quels niveaux ? Quelles seraient les choses simples et rapides à mettre en place ?
“Selon moi, on manque de dirigeants qui montrent “l’exemple” ou qui ouvrent la voie pour que d’autres s’autorisent à prendre des congés parentaux s’ils le souhaitent, adaptent leurs horaires de travail, prennent des temps partiels, … Je ne pense pas que ce soit si facile à mettre en place mais je rêverais qu’il existe davantage de crèches d’entreprise.”
Quels sont tes conseils pour mieux vivre son post-partum ?
“Mon conseil principal serait d’exprimer ses ressentis et ses besoins à son conjoint, ses proches et les soignants. Tout, même ce qu’on aurait aimé ne pas avoir à dire ou qu’on est déçue de ressentir. Le pire ennemi d’un post-partum serein c’est le tabou, c’est l’image idéalisée des débuts de la vie avec un bébé, c’est la comparaison imaginaire avec comment notre propre mère aurait fait ou les autres mères parfaites, … Non, c’est compliqué pour tout le monde. Et même si d’autres ont l’air d’aimer allaiter, j’ai le droit de ne pas aimer, même si d’autres arrivent à bercer des heures durant leur bébé, j’ai le droit de dire que je n’y arrive pas.
Un deuxième conseil : n’idéalisez pas la vie des autres, ou évitez de passer du temps à imaginer comment ça se serait passé pour vous si ceci ou cela avait été différent. J’ai bien sûr fait l’inverse et ça m’a fait beaucoup de mal car ça m’a empêché d’accepter la situation présente et de l’apprécier au moins un peu. Avec le temps j’ai réalisé que les situations sans accroc de parcours ça n’existe pas, qu’il y a souvent un aspect où on a eu de la chance par rapport à d’autres, et que le post-partum c’est un peu le bordel pour tout le monde (même ceux qui ne veulent pas le dire !).
Troisième et dernier : prenez des distances avec tous ceux qui ne vous font pas de bien et laissez de la place à ceux qui prennent soin de vous et vous font du bien. C’est une période où on est vulnérable et où on est très challengée, donc ce n’est pas le moment de s’en rajouter relationnellement, d’autant plus qu’une remarque liée à notre nouveau rôle où notre bébé peut nous faire tellement de mal et nous suivre si longtemps… Vraiment, évitez-vous ça.”
Quels sont les supports (livre, blog, comptes Instagram hormis le tien! ) indispensables pour se renseigner et se préparer au PP ?
“Le livre clé du post-partum c’est « Le mois d’or » de Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin. Ce livre compile plusieurs manières culturelles de prendre soin de la femme qui a accouché et montre dans quel état d’esprit vivre cette période. On y comprend qu’il s’agit de la phase où le corps se referme suite à la naissance, qu’il a besoin de rester au repos et au chaud, en connexion avec son bébé. Il y a plein d’idées concrètes à mettre en place. Et les autrices organisent maintenant régulièrement des soirées en ligne des préparations à certains aspects du post-partum, idéal pour s’informer en couple. Les informations sont diffusées sur leur compte instagram @lemoisdor.
Les comptes et podcasts @lequatriemetrimestre et @lamatrescence. Et sinon, je suis admirative du travail bénévole de l’association Maman Blues : leur page Facebook est remplies de témoignages incroyables, elles ont un forum de discussion sur leur site internet et dès que j’ai une maman en souffrance qui m’écrit je l’invite à faire un message privé sur leur compte instagram @association.maman.blues.“