Interview : Madeleine de @postpartum_tamere

On entend beaucoup parler du « Post – Partum » même si en parler reste encore tabou dans notre société où les injonctions à être une mère parfaite se multiplient !  Mais qu’est-ce que le Post-Partum ? Sans doute la réponse à la question « mais pourquoi on ne m’a pas prévenue avant ? » que se posent un grand nombre de femmes qui ont idéalisé (à juste titre) l’arrivée de leur bébé.

Si aujourd’hui, la parole se libère, il reste encore du boulot pour améliorer les conditions du Post-Partum.

Madeleine qui a créé le compte instagram @postpartum_tamere, un compte où bienveillance et humour s’entremêlent pour toutes celles qui ont accouché il y a 1 jour, 1 mois ou 10 ans, nous en dit plus sur le Post-Partum et comment s’y préparer !

Photo @enmisstrece

 

Qu’est-ce que le post-partum ? 

“Le post-partum est la période qui suit l’accouchement pour la mère. Du latin ‘post’ = après et ‘partus’ = mise bas. C’est “l’after” comme en soirée quoi !
Quand on va avoir un enfant on pense à 2 étapes, la grossesse et l’accouchement, puis la mise au monde serait terminée. Alors que le post-partum est un sas de transition, pour le bébé comme ses parents. Le nouveau-né mettrait 3 mois à complètement comprendre qu’il ne fait pas un avec sa mère et la femme doit se remettre de la grossesse et de l’accouchement ainsi que des maux du post-partum.”

Combien de temps dure le post-partum ? 

“Il n’y a pas de durée officielle du post-partum. Certains parlent de 4ème trimestre de grossesse (donc 3 mois), d’autres disent 9 mois pour faire un bébé, 9 mois pour s’en remettre… On peut encore compter autrement : 6 à 8 semaines, le temps des locchies ? Jusqu’au retour de couches (très variable) ?
Selon une étude, les bouleversements psychiques dans le cerveau de la mère, qui débutent avec la grossesse perdurent au moins deux ans.
Donc personnellement, je dirais que tant que nous ne sommes pas “guéries” physiquement ou psychologiquement, la période du post-partum nous concerne toujours.”

Le post-partum est-il plus difficile pour les mères primipares ? 

“Généralement oui. Pourquoi ? Car pour le deuxième enfant, elles savent enfin comment appréhender cette période. C’est la preuve pour moi que si on informait mieux les primipares, elles vivraient globalement mieux leur post-partum. Mais ça ne fait pas tout, un accouchement prématuré, des complications de grossesse, un accouchement traumatique, un événement familial difficile autour de la naissance, des soucis de santé pour la mère ou le bébé… sont autant de facteurs qui peuvent compliquer le vécu du post-partum.”

Peut-on parler de « réussir » un post-partum ?

Non, tout comme on ne parle pas de réussir sa grossesse. Il ne s’agit pas de performance. Et c’est justement le fait de le penser comme une performance qui peut rendre cette période difficile, car c’est plutôt un temps où on perd nos repères et où il faut lâcher prise pour petit à petit retrouver de nouveaux repères.
Donc plutôt que le réussir, on peut chercher à vivre au mieux son post-partum. “

" Il ne s'agit pas de performance. Donc plutôt que de le réussir, on peut chercher à mieux vivre son post-partum"

Quels sont les essentiels pour mieux vivre cette période ? 

Être informée et se préparer psychologiquement à ne pas se sentir au top physiquement et psychologiquement. Au mieux on est agréablement surprise mais après une grossesse, un accouchement et la fatigue de la vie avec un nouveau-né, clairement, il ne faut pas s’attendre à se sentir radieuse. Le post-partum est une phase de convalescence.
Accepter de ralentir : finie la course, on vit pleinement le moment présent qui sera plus riche que jamais en émerveillement et questionnement.
Être indulgente envers soi-même, ne pas avoir trop d’attentes sur son apparence physique, l’état de son chez-soi (welcome le bazar!), ses humeurs changeantes, …
Accepter et solliciter de l’aide, pour absolument tout ce qui vous permet de vous reposer davantage et de prendre soin de vous (prendre une douche, se faire masser, …).
S’exprimer : dire ses ressentis, ses besoins, ses difficultés, … vous savez, on dit toujours que la clé d’un couple solide c’est la communication. Ça sonne donc comme une banalité mais pourtant c’est tellement vrai. En post-partum on parle beaucoup de sentiment d’isolement et de solitude. Ce n’est pas tant la solitude physique que le fait de se sentir seule et incomprise dans ses ressentis. Donc parler serait pour moi le conseil principal pour vivre au mieux son post-partum.”

Quels sont les risques d’un post-partum mal vécu ? 

Un post-partum mal vécu peut engendrer un mal-être profond, à une dépression plus ou moins grave. Et cette souffrance de la mère peut éventuellement impacter sa relation à son bébé, mais aussi au conjoint et aux autres enfants s’il y en a. Le mal-être post-partum est courant, il ne faut donc pas se sentir en échec ou anormale, mais par contre il est important de trouver de l’aide.”

 

" Le mal-être post-partum est courant, il ne faut donc pas se sentir en échec ou anormale, mais par contre il est important de trouver de l'aide"

Quelle est la place et le rôle du 2ème parent dans le post-partum ?

“Je dirais que son rôle est justement de “prendre sa place”. Bien sûr cela se fait à tâtons, et cette place sera différente pour chaque famille. Mais je pense que plus le père ou la deuxième maman prendra sa place de parent, au mieux se sentira la mère. La mère n’est pas le parent principal sur qui tout repose et qu’on “aide”. Bien sûr elle a besoin d’aide, mais cela passe par une responsabilisation de l’autre parent selon moi.”

Comment parler de post-partum à son cercle familial ? Comment l’impliquer ? 

“En étant informé sur ses besoins on peut exprimer certaines demandes à ses proches en amont de la naissance. Une idée est de leur demander d’apporter des plats que vous pouvez congeler. Vous pouvez aussi ajouter des cadeaux dédiés à votre bien-être post-partum sur la liste de naissance (séance ostéopathe, massage, soin rebozo, crème hydratante, …). Et le moment venu, comme je le disais précédemment, communiquer sur ses besoins, parler de son vécu pour ne pas en faire un tabou.”

A quel moment devrait-on parler de post-partum à une future maman ? 

“Bonne question ! Je dirais, dans la préparation à la naissance, qui devrait commencer aux 4 mois de grossesse car en cas de naissance prématurée on n’a pas forcement encore commencé ces cours. Après j’encourage surtout les futures mamans à s’informer d’elles-mêmes en questionnant les mamans autour d’elles et en lisant.” 

Peut-on parler de « prévention » comme pour tout enjeu de santé publique ?

“Prévention des risques liés à la période du post-partum oui. Sinon, le post-partum en tant que tel n’est pas un état pathologique, et ce serait même dommage que cette période soit forcément associée à quelque chose dont on a peur. Je reçois des messages de futures mamans qui me demandent comment éviter le post-partum par exemple. C’est une phase qui fait partie du cycle de la grossesse et de la naissance. Au mieux toute la société le reconnaîtra, au mieux nous le vivrons toutes. Donc on peut parler de prévention des risques liés au post-partum oui, ce qui implique de passer des messages à toute la société : signes de la dépression post-partum, les besoins d’une femme qui a accouché, sensibilisation au fait qu’il s’agit d’une personne vulnérable, au même titre qu’une femme enceinte ou une personne âgée. “

Pourquoi, selon toi, le post-partum est-il encore un sujet relativement tabou dans notre société ?

Ce n’est que ma théorie, mais je pense que c’est la loi du silence ! Les femmes souffrent en silence et acceptent beaucoup plus qu’elles ne devraient. Si les hommes accouchaient je pense vraiment qu’on n’en serait pas là. Mais je ne victimise pas les femmes, il faut absolument que nous cessions de subir car on ne rend service à personne, au contraire on dessert notre propre cause.”

Quelles sont les urgences et les priorités des politiques à court terme pour améliorer les conditions du post-partum des femmes ?

Un congé paternité de 5 semaines qui couvrirait les 40 premiers jours de la mère et du bébé (le mois d’or). Ce serait le minimum car idéalement, il devrait durer aussi longtemps que celui de la mère qui est en convalescence et non pas en congés. Il faut donc également revoir le nom de ce fameux “congé” !

Tout aussi prioritaire, il est urgent de revoir la préparation à la naissance ! Il faudrait absolument la démarrer dès le début du second trimestre et établir un programme obligatoire minimal à suivre par tous ceux qui la délivrent. Pour le moment, le programme ‘minimal’ est très léger. Cette préparation doit concerner les deux parents et davantage expliquer le mécanisme physiologique qui déclenche la naissance et permet l’accouchement (comme le décrit si bien Lucile Gomez dans ‘Les superpouvoirs de la naissance’) mais aussi préparer à un accouchement par césarienne d’urgence (1 femme sur 5 accouche par césarienne et 60% se font en urgence). Et bien sûr parler de l’après accouchement, que les douleurs ne s’arrêtent pas là, les besoins du nouveau-né, comment répondre à ses besoins sans oublier les siens, …

Voilà, ça ne paraît peut-être pas très politique comme ça, mais pour moi cela fait partie de mes attentes envers le projet du gouvernement sur les 1000 premiers jours de l’enfant.”

Selon toi, les entreprises ont-elles un rôle à jouer dans le post-partum ? Si oui, à quels niveaux ? Quelles seraient les choses simples et rapides à mettre en place ?

“Selon moi, on manque de dirigeants qui montrent “l’exemple” ou qui ouvrent la voie pour que d’autres s’autorisent à prendre des congés parentaux s’ils le souhaitent, adaptent leurs horaires de travail, prennent des temps partiels, … Je ne pense pas que ce soit si facile à mettre en place mais je rêverais qu’il existe davantage de crèches d’entreprise.”

Quels sont tes conseils pour mieux vivre son post-partum ?

“Mon conseil principal serait d’exprimer ses ressentis et ses besoins à son conjoint, ses proches et les soignants. Tout, même ce qu’on aurait aimé ne pas avoir à dire ou qu’on est déçue de ressentir. Le pire ennemi d’un post-partum serein c’est le tabou, c’est l’image idéalisée des débuts de la vie avec un bébé, c’est la comparaison imaginaire avec comment notre propre mère aurait fait ou les autres mères parfaites, … Non, c’est compliqué pour tout le monde. Et même si d’autres ont l’air d’aimer allaiter, j’ai le droit de ne pas aimer, même si d’autres arrivent à bercer des heures durant leur bébé, j’ai le droit de dire que je n’y arrive pas.

Un deuxième conseil : n’idéalisez pas la vie des autres, ou évitez de passer du temps à imaginer comment ça se serait passé pour vous si ceci ou cela avait été différent. J’ai bien sûr fait l’inverse et ça m’a fait beaucoup de mal car ça m’a empêché d’accepter la situation présente et de l’apprécier au moins un peu. Avec le temps j’ai réalisé que les situations sans accroc de parcours ça n’existe pas, qu’il y a souvent un aspect où on a eu de la chance par rapport à d’autres, et que le post-partum c’est un peu le bordel pour tout le monde (même ceux qui ne veulent pas le dire !).

Troisième et dernier : prenez des distances avec tous ceux qui ne vous font pas de bien et laissez de la place à ceux qui prennent soin de vous et vous font du bien. C’est une période où on est vulnérable et où on est très challengée, donc ce n’est pas le moment de s’en rajouter relationnellement, d’autant plus qu’une remarque liée à notre nouveau rôle où notre bébé peut nous faire tellement de mal et nous suivre si longtemps… Vraiment, évitez-vous ça.”

Quels sont les supports (livre, blog, comptes Instagram hormis le tien! ) indispensables pour se renseigner et se préparer au PP ?

“Le livre clé du post-partum c’est « Le mois d’or » de Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin. Ce livre compile plusieurs manières culturelles de prendre soin de la femme qui a accouché et montre dans quel état d’esprit vivre cette période. On y comprend qu’il s’agit de la phase où le corps se referme suite à la naissance, qu’il a besoin de rester au repos et au chaud, en connexion avec son bébé. Il y a plein d’idées concrètes à mettre en place. Et les autrices organisent maintenant régulièrement des soirées en ligne des préparations à certains aspects du post-partum, idéal pour s’informer en couple. Les informations sont diffusées sur leur compte instagram @lemoisdor.

Les comptes et podcasts @lequatriemetrimestre et @lamatrescence. Et sinon, je suis admirative du travail bénévole de l’association Maman Blues : leur page Facebook est remplies de témoignages incroyables, elles ont un forum de discussion sur leur site internet et dès que j’ai une maman en souffrance qui m’écrit je l’invite à faire un message privé sur leur compte instagram @association.maman.blues.

Merci infiniment Madeleine 

Retrouvez-la sur son compte instagram @postpartum-tamere